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UN DIVORCE

des leçons à ses enfants par mademoiselle Mathilde Sargeaz, personne décriée à Lausanne pour ses opinions et ses manières. Mais le père Grandvaux a dans sir John un locataire précieux ! on m’a dit qu’il payait trois mille francs le premier étage de Beausite, et qu’il l’a loué pour plusieurs années.

— Il est curieux, hein ! ce père Grandvaux, doux, cordial, paternel comme un patriarche, aimé de ses enfants, hospitalier, rond, et cependant surnommé à Lausanne le Vieux dur à cuire. Vous savez ? on dit que c’est par l’usure qu’il s’est enrichi.

— On le dit, répliqua M. Desfayes d’un air insouciant. Mais vous êtes donc reçu chez lui ?

— Parfaitement. En qualité de collègue, j’ai dû faire connaissance avec sa nièce, mademoiselle Mathilde, dont je connais aussi beaucoup le frère, Étienne Sargeaz, et, grâce à eux, j’ai été admis d’abord à la jouissance complète de la campagne et de tous ses points de vue ; puis invité à descendre dans la cave du père Grandvaux, ce dont j’ai médiocrement usé ; enfin on m’a fait asseoir à la table même de la famille, et j’y ai soupé deux ou trois fois.

— Ah ! vraiment ? je ne savais pas cela. Et probablement, vous avez fait le portrait de ces demoiselles ?

— Mais oui. Qu’est-ce que cela vous fait ?

— Oh ! rien du tout. Moi, je ne les connais pas. Je suis allé à Beausite seulement deux fois, mais nous avons passé tout le temps à la cave et dans le jardin, et je n’ai pas vu les dames.

— Ô Suisse ! ô mœurs !… Vous aimez cependant assez les femmes, Ferdinand, mais seulement de la même manière que vous aimez le vin d’Yvorne. Pauvre malheureux ! À propos, que faites-vous de cette petite couturière