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UN DIVORCE

quand son cousin, s’approchant d’elle, lui souhaita d’une voix émue une meilleure santé.

— Comment, tu ne l’embrasses pas ? s’écria le père Grandvaux.

— Mais c’est fait, répondit-elle de cette voix stridente qui sortait par éclats de sa poitrine à certains moments.

Étienne était sombre et abattu, et ses yeux se portaient obstinément sur sa cousine ; mais pas une seule fois il ne surprit son regard. Elle lui parla, s’occupa de lui, fut bonne et attentive pour lui, plus peut-être que pour les autres, mais elle ne le regardait point. Et plus que jamais elle semblait vivre pour aimer, car elle se multipliait pour se donner à chacun, et il était facile de sentir qu’elle y mettait son bonheur et sa joie, peut-être un peu de fièvre aussi. Mais Étienne comprit bien qu’il n’avait plus de fiancée.

Ce n’était pas Maëdeli qui eût pu le consoler de ce qu’il avait perdu pour elle, car c’était toujours la même créature inculte, sauvage, tournée vers son instinct, sans tenir compte de rien de plus. Elle aimait son amant, et le lui prouvait par une adoration continuelle ; mais il ne pouvait obtenir qu’elle s’appliquât à la couture, ni même qu’elle entretint ses vêtements et la propreté de sa chambre. Quand elle le voyait fâché, toute désolée, elle entreprenait bien de le satisfaire, mais ses efforts étaient de courte durée, et bientôt elle retombait dans son insouciance native, peut-être incurable.

Étienne, d’ailleurs, n’était guère propre au rôle d’instituteur. Dès qu’il avait un peu rudoyé Maëdeli, il se mettait à la plaindre intérieurement et à se reprocher de la tourmenter, comme on l’avait inutilement tourmenté lui-même. Car il s’était volontiers décidé à croire qu’on ne peut modifier son caractère, et, d’un autre côté, la honte