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UN DIVORCE

toutes ces figures amies attristées, elle essaya de ses lèvres pâles un sourire qu’elle ne put achever.

— Qu’as-tu ? qu’est-ce qui te fait mal ? Où souffres-tu ? Comment cela t’a-t-il pris ? demandait M. Grandvaux tout tremblant, tandis que la mère la regardait, comme si elle eût voulu déchiffrer sur ses traits un oracle de mort ou de vie.

— Je suis mieux, je vais bien maintenant, balbutia la douce fille en fermant les yeux.

Alors des larmes commencèrent à filtrer entre ses longs cils et à couler sur ses joues.

Le médecin crut reconnaître les symptômes d’une fièvre nerveuse, et quant aux larmes, qui ne cessaient point, il déclara aussi que c’était nerveux, et ordonna divers calmants.

Après que Claire, son mari et mademoiselle Charlet eurent quitté Beausite, madame Grandvaux sortit doucement de la chambre de sa fille et descendit auprès de son mari, qui, assis devant le feu, buvait à petits coups une bouteille de bordeaux, et respirait à longs traits comme un homme ébranlé qui se réconforte.

— Eh bien ! dit-il brusquement, pourquoi est-ce que tu la quittes ? Je ne veux pas qu’elle reste seule ; je ne serais pas tranquille.

— Ce n’est que pour un moment ; je venais voir comment tu te trouves. Tu as eu si peur !

— Est-ce que je suis donc une femmelette ? Tu peux t’en aller ; je n’ai rien du tout.

— Cela t’a si fort surpris ! Tu causais, n’est-ce pas ?

— Assurément, je causais. Es-tu bête ! tu fais toujours des questions comme ça, toi.

— Oui, je me le rappelle, tu causais avec notre gendre de la vente des bois de Vennes.