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UN DIVORCE

qu’il n’était pas malade, c’était incompréhensible ; il n’y a qu’une impossibilité matérielle absolue qui puisse justifier l’absence d’un amant aimé pour celle qui, de toutes les forces de son âme, le désire et l’attend.

Étienne Sargeaz était le plus malheureux des hommes. Comment il avait pu trahir son amour et sa foi, il ne le comprenait pas lui-même ; les circonstances s’étaient enchaînées de telle façon autour de lui, qu’il eût presque juré que ce n’était pas sa faute. Et cependant il avait pour maîtresse la jolie Maëdeli, la fille heimathlose, lui le fiancé d’Anna !

La tante Charlet, selon sa promesse, avait parlé à deux ou trois dames influentes de l’œuvre évangélique, en faveur de la protégée d’Étienne. Elle avait même agi avec zèle et, selon qu’elle le disait, comme pour elle-même. Car cela lui fournissait l’occasion précieuse de visiter certaines dames haut placées, dont elle rapportait ensuite les paroles avec complaisance, et qui lui avaient dit : « Ma chère demoiselle. » Puis c’était une affaire dont elle avait l’initiative, et qui serait appelée, dans le cénacle, « l’affaire de mademoiselle Charlet. » Enfin, et de plus, la fonction sociale que cette digne personne avait embrassée consistant à sauver des âmes, elle tenait à la remplir.

Malheureusement, le cénacle de l’œuvre évangélique avait en ce moment-là d’autres affaires. Il se trouvait alors en péril des âmes d’une plus grande valeur que celle de Maëdeli, et possédant certaines influences temporelles, qui peuvent devenir, on le sait, des moyens d’édification.

L’attention de ces dames était en outre presque complétement absorbée par l’arrivée d’un prédicateur célèbre qui faisait entendre les aveugles et voir les sourds, et que