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UN DIVORCE

Cela ne m’étonne pas ; il faut qu’une femme soit imbécile ou malheureuse.

Mais Anna détourna la conversation, et, capricieuse en apparence, la fit bondir d’étape en étape jusqu’au but qu’elle se proposait. Il va sans dire que c’était Étienne.

— Il se porte bien ?

— À merveille, dit Mathilde sèchement.

— Ah !… dis-moi, cette heimathlose pour laquelle Étienne a été si bon, que devient-elle ?

Ce fut d’une voix sèche et d’un air sévère que Mathilde répondit ?

— Laissons les charités d’Étienne pour ce qu’elles valent, ma petite.

Anna eut le cœur serré par cette réponse, et ne put s’empêcher de dire :

— Tu parles de ton frère avec une dureté !…

— C’est que rien ne m’est plus antipathique, vois-tu, que cette lâcheté de caractère qui oscille perpétuellement entre le bien et le mal, voulant l’un et faisant l’autre. Ces gens-là sont plus dangereux que les méchants pour la moralité publique, parce qu’ils confondent toute notion précise et forcent à des indulgences de mauvais aloi, au nom de ce mélange de bonté et de faiblesse qui constitue leur nature.

— Et c’est d’Étienne que tu parles ainsi ? Mais qu’a-t-il fait alors ? dis-le-moi, je t’en conjure !

Mais Mathilde refusa de s’expliquer, et ne sembla point voir l’anxiété peinte sur le doux visage d’Anna, qui, penchée vers elle, eût voulu lire dans ses yeux.

C’est que la jeune fille était agitée déjà par une inquiétude cruelle. Un dimanche s’était passé sans qu’Étienne parût à Beausite, et il n’avait pas écrit. Puis-