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UN DIVORCE

— Vous scandalisez tout le monde.

— Je ne scandalise que ces âmes honnêtes pour qui le mal est le grand principe de tout ; en y ajoutant les imbéciles, qui sont, il est vrai, partout en majorité.

— On voit bien que vous êtes possédée du démon de l’orgueil.

— Je crois aux démons, ma tante, mais seulement, grâce à l’évidence, aux démons en chair et en os.

— Eh ! sait-on même si vous croyez en Dieu ?

— Comment donc ! je suis si indignée du tort qu’on fait à sa réputation, que je lui ai voué le culte du silence.

— Pif ! paf ! elles en ont de ce train pour deux heures encore, se dit Étienne, et, tout échauffées de leur querelle, elles se garderont bien de songer à ma pauvre fille.

Il se hâta de souper, en se demandant ce qu’il ferait, et déjà, la persévérance n’étant pas le trait principal de son caractère, il regrettait de s’être chargé de Maëdeli.

— Avec vos maximes, on croupirait dans l’idolâtrie et dans la paresse, et le monde serait beau ! dit mademoiselle Charlet, en concluant sa discussion avec Mathilde. Mon cher Étienne, tu as bien fait de vouloir arracher cette petite aux tentations de Satan, et c’est le ciel qui te l’a fait rencontrer. Je parlerai demain aux dames de la société évangélique, et nous prendrons soin de son corps, afin de sauver son âme. Est-elle vêtue décemment ?

— Non, dit Étienne.

— Il faudrait se procurer aussi des vêtements. Mais je ne sais comment faire, car je n’ai, quant à moi, que des choses qui peuvent servir.

— Étienne, dit Mathilde, comme il sera bon qu’elle puisse se servir de ce qu’on lui donnera, je te promets