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UN DIVORCE

lent, resta le même jusqu’au moment où le nuage, crevant par torrents, les tira de leur préoccupation. Étienne alors prit sa cousine par la main, et ils se mirent à courir le long des cerisiers.

Mais, à demi dépouillés déjà, ces arbres ne pouvaient les garantir, et bientôt la chemisette de mousseline d’Anna, toute trempée, se colla sur ses épaules. La ferme n’était qu’à cent pas, mais le peu de temps nécessaire pour franchir cet espace devait suffire, sous cette pluie torrentielle, à les inonder complètement ; comme ils passaient devant le tronc creux d’un vieux cerisier, Étienne y jeta sa cousine. À la naissance des branches, le cœur de l’arbre tenait encore et formait une voûte impénétrable au-dessus de la tête d’Anna.

— Mais toi ? lui dit-elle aussitôt, mais toi ?

— Moi, je suis très-bien ainsi.

Elle vit qu’il se serrait en vain près du tronc, que la pluie l’atteignait et perçait de plus en plus ses vêtements ; et sans prendre garde à autre chose, elle l’attira auprès d’elle ; mais ils ne pouvaient loger tous deux dans cet espace trop étroit, bien qu’Étienne fût si près de sa cousine que leurs fronts se touchaient ; Anna rougissant alors fit un mouvement pour s’en aller. Étienne la retint dans ses bras ; elle rougit davantage encore, et sa tête se pencha sur celle de son cousin.

— Ô ma chère Anna ! lui dit-il tout bas.

La douce et charmante enfant était devenue fort pâle.

— Étienne ! dit-elle du même ton, moi aussi !…

— Toi aussi tu m’aimes ! s’écria-t-il.

— Oh ! tu le sais bien, Étienne, tu sais que je t’ai toujours aimé ; mais depuis quelque temps je t’aime da-