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UN DIVORCE

avec une sorte de colère contre elle même : — Oh ! mais je suis folle, en vérité !

— Voyons, qu’est-ce qu’il avait, ce petit enfant ? demanda madame Grandvaux en s’asseyant auprès de sa fille et en l’entourant de ses bras ; il faisait donc bien peine à voir ?

— Maman, c’est… qu’il marchait pieds nus… Et il était si petit !!! ajouta-t-elle en sanglotant de nouveau.

— Tu as déjà vu comme cela bien d’autres enfants, reprit la bonne mère, et ils ne te faisaient pas pleurer.

Eh bien ! je sais ce que tu as à présent. Et comme ses deux interlocutrices attachaient sur elle des regards interrogateurs, d’une voix émue elle ajouta : Je suis sûre que tu es enceinte !

Des lueurs roses, pareilles à celles qui, suspendues au-dessus du Jura, teignaient les nuages au couchant et se réfléchissaient dans les flots limpides, envahirent le visage de la jeune femme ; sérieuse et tremblante, elle baissa les yeux, tandis qu’Anna et madame Grandvaux la contemplaient avec tendresse. Autour d’elles, la lumière du soir, obliquement jetée par grandes nappes, dorait l’herbe de la prairie et le feuillage des massifs.

On avait aperçu Claire ; ses amies Louise et Fanny vinrent la rejoindre et furent bientôt suivies du reste de la compagnie, qui, lasse de raisin, rentrait au logis. Le ciel se couvrait, l’atmosphère était orageuse ; on s’assit à la porte de la maison qui regardait le jardin et qu’ombrageait un berceau de pampres, sur des bancs très-rustiques, façonnés par M. Grandvaux.

Selon l’usage des fiancés en Suisse, Fanny et M. Renaud, se donnant le bras, s’éloignèrent seuls, et disparurent sous les ombrages. Mariés depuis deux mois,