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CHAPITRE VI


La grande fête agricole au canton de Vaud, c’est la vendange. Ce peuple raffole de son propre vin ; mais à cette époque son ivresse est généreuse, et il souffle un vent de libéralité qui fond le cœur même du propriétaire vaudois, celui de tous peut-être pour qui la nature soit le plus essentiellement appréciable en écus. Parents, amis et voisins sont invités à la vendange, et la précieuse grappe, toujours chèrement vendue sur le marché, et dont le jus sera bientôt l’objet de spéculations ardentes, est livrée dans la vigne à l’avidité sans mesure des cueilleurs. Et même, tandis que ceux-ci, tout en riant et jasant, portent plus souvent à leur bouche qu’à leur panier des mains empressées, et semblent se défier à qui signalera mieux l’effrayante capacité d’un estomac suisse, plus d’une grappe est furtivement tendue hors de l’enclôture, soit au passant riche ou pauvre qui regarde, soit aux gamins qui rôdent à l’entour.

Le père Grandvaux avait choisi pour vendanger une