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UN DIVORCE

Après que madame Desfayes eût quitté la table, les deux hommes y restèrent longtemps encore, fumant et buvant, et s’occupant de construire sur les cavités anthraciques châteaux et palais. Quand ils se levèrent enfin, M. Desfayes paraissait convaincu de la grandeur de la découverte, et fort excité par l’importance de ses résultats. Ils passèrent au salon, où Monadier se mit à se promener de long en large, les mains dans ses poches, le dos arrondi. Et tout à coup, frappant sur l’épaule de Ferdinand :

— Eh bien ! je vous enlève ! Vous allez venir avec moi au café du Nord, où j’ai donné rendez-vous à Ornuz. Allez-vous souvent au café du Nord ?

— Non.

— Mon cher, allez-y. Ce n’est plus comme au temps du père Schneider. Il est tenu maintenant par deux nouveaux mariés ; le vin y est bon, le café supérieur, et, quant à madame Fonjallaz, une petite femme délicieuse, délicieuse, mon cher !… répéta-t-il en se baisant le bout des doigts. Mais vous la connaissez bien.

— Non, répondit Ferdinand d’un air contrarié.

— Mais si, lui dit Claire, c’est mon ancienne couturière, mademoiselle Herminie.

— Ah ! oui, répondit-il, une petite coquette.

— Eh ! mon cher, elle en a le droit. Des yeux ! un corsage ! un air ! Elle mène déjà son mari par le bout du nez ; elle est pleine d’esprit, et il faut la voir trottant au milieu de son café et lançant tantôt une œillade, tantôt une riposte. Son mari est mon cousin au second degré. Allons, venez-vous ? Je suis bien cruel, madame, n’est-ce pas ? de vous enlever ainsi Desfayes ; mais il reviendra.

À son salut obséquieux et à son regard familier, ce fut à peine si Claire répondit. En ce moment, elle le détes-