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enjambées. Assurément, cette attaque sans motif avait mis Joseph en colère ; mais quand il tint dans sa main cette frêle et maigre petite créature, il n’eut pas le courage de lui tirer le moindre cheveu.

— Méchante gamine ! dit-il seulement, méchante gamine !

Et d’un ton presque paternel, il ajouta :

— Pourquoi voulais-tu me faire du mal ?

— Pourquoi êtes-vous si fier ? dit la petite. Vous ne me dites jamais rien, et pourtant nous demeurons porte à porte.

— Ah ! excusez. Mademoiselle aime la politesse ! Et c’est pourquoi mademoiselle jette des pierres dans le dos des gens ! Eh bien, si vous voulez être saluée, il faudrait vous faire propre, au moins. Pouah ! fit-il en la lâchant et se secouant les doigts.

Puis, ôtant son chapeau ironiquement :

— Mademoiselle de la Crasse et de la Guenille, j’ai bien l’honneur de vous saluer… C’est égal, tout de même, n’y reviens plus.

Restée seule, Marinette se mit à pleurer. Elle regarda ses vêtements, et fut toute stupéfaite de les voir si affreux et si sales. Sa jupe, dentelée au bas et d’un jaune livide, lui fit mal au cœur. Jusqu’alors elle ne s’était pas regardée et ne voyait guère non plus ce qui l’entourait ; elle vivait plutôt dans ses rêves d’enfant et, les yeux au ciel bleu, ne s’apercevait pas qu’elle marchait dans la boue. Le dégoût de Joseph venait de lui dévoiler sa misère. Elle pleura longtemps sans pouvoir écouler toute l’amertume qu’elle avait au