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ma faute. Je vous l’avais dit : vous pouviez devenir, en travaillant, une des premières cantatrices de l’Europe ; vous avez préféré les joies du monde à celles de l’art ; tant pis, c’est dommage. Du reste, vous pouvez encore vous relever ; mais il faut vouloir.

Marie se plaignit au vicomte et celui-ci, plein d’indignation, courut chez le directeur. Mais il en revint fort différent : le directeur avait raison, il n’avait fait que constater l’indifférence du public ; le chiffre des recettes était là. Marie seule avait tort, et le vicomte le lui dit hautement. Il lui reprocha la froideur du public à son égard, le succès de l’Italienne, tança vertement sa nonchalance, son affaissement. La jeune femme l’écoutait, stupéfaite. Elle dit enfin :

— Quand nous avons commencé à nous connaître, j’étudiais avec ardeur, vous devez vous le rappeler, je ne songeais alors qu’à me faire un grand nom, à communiquer à l’âme des autres le grand sentiment que la musique m’inspirait ; je ne rêvais que d’enrichir mon mari et mes enfants, et de leur faire un bel avenir. Vous êtes venu près de moi, vous m’avez supplié de vous aimer, je n’ai plus songé qu’à cet amour. Mes pensées se sont retirées de l’art : mon cœur s’est retiré des miens, et j’ai souffert en les faisant souffrir. Tout cela n’est-ce qu’un rôle qu’on puisse jouer, des roulades aux lèvres, Charles, le pensez-vous ?

Il la vit indignée et voulut l’adoucir ; il y parvint. Cette soirée-là encore fut douce ; mais, le lendemain, Marie reçut une lettre de