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elle aurait amassé une trentaine de francs, qui suffiraient à Joseph pour lui construire une armoire, quand un poupon s’annonça ; il fallut faire la layette et le berceau ; tout y passa, mais sans regret. Après celui-là en vint un autre, puis un autre encore. L’armoire était désormais bien loin ; mais la jeune femme ne la désirait que plus vivement.

Elle se disait quelquefois :

— Quand les enfants seront grands, nous cueillerons tant d’herbes ensemble !…

Un jour qu’elle était assise au bord du talus, chantant comme un rossignol, avec ses deux aînés qui se roulaient sur la pente, et le plus petit sur les genoux, elle vit venir à elle deux messieurs qui s’arrêtèrent à quelque distance comme pour l’écouter. D’abord elle n’y fit guère attention ; mais, s’apercevant enfin que c’était bien à cause d’elle qu’ils restaient là, sa voix devint plus chevrotante, et puis elle se tut. Les messieurs alors s’approchèrent, lui firent cent questions, si elle avait appris un peu de musique, et comment elle pouvait moduler si bien sa voix.

Enfin ils lui donnèrent 5 francs, en la priant de recommencer. Marinette, bien étonnée de trouver des gens si riches et si généreux, ne se fit pas prier et chanta de son mieux une seconde fois. Ils parurent enchantés et firent promettre à la jeune femme de les venir trouver le lendemain, vers deux heures, à une adresse qu’ils indiquèrent rue du Heider.