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point autrement ; car chacun jette en un moule différent son idéal ; mais tout idéal procure les mêmes jouissances à celui qui l’atteint, ou plutôt qui le poursuit. À des tons différents, la gamme est toujours la même. Ils étaient plus heureux, assurément, que des rois qui s’ennuient, ou que ceux, quels qu’ils soient, qui attendent leur destin du sort ou d’autrui.

Il fallait voir, en face de cette construction uniforme, leurs faces rayonnantes et leurs regards complaisants ; puis entendre les projets qu’ils faisaient, leurs rêves et les calculs sans cesse recommencés. Que ce fût leur propre imagination qui leur dorât cette demeure, ou quelque peintre décorateur, pour eux c’était même chose, excepté qu’ils y trouvaient bien plus grand plaisir.

Ce fut pour Marinette le commencement d’un rêve qui la passionna : les nécessités d’abord, puis les aises de la vie, telles qu’elle en avait l’idée, acquises par le travail, mais successivement et peu à peu. Je crois qu’elle n’eût accepté pour rien au monde le couronnement de son édifice avant le milieu. Sa première ambition, la maison achevée, fut une armoire, une armoire de noyer bruni.

Ils s’étaient mariés dès le printemps, jugeant leur maison suffisamment riche. Marinette apportait en dot sa couchette, et Joseph la sienne, dont ils firent un seul grand lit : le père donna deux chaises, et la mère Cadron une table. Joseph fixa horizontalement quelques planches au mur, et un vieux jupon