Page:Léo - Les Désirs de Marinette.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ciel, les autres sur la terre grise des champs ; au-dessus, les hauteurs d’Arcueil, toutes frangées d’ormeaux ; à gauche, dans les arbres, le clocher de Vanves, Issy ; plus loin, des moulins à vent et les bois de Meudon, verte et immense bordure. De l’autre côté, c’était Gentilly, aux maisons encadrées dans les feuillages ; puis le fort de Bicêtre et ce grand et triste palais aux mille fenêtres, dont les toits recouvrent tant de mondes étrangers.

Et quand Marinette, confuse de ce que Joseph, depuis un moment, ne regardait qu’elle, se retourna du côté de la route, elle vit Paris tout entier, qui, de Montmartre à leurs pieds, s’étageait, brillant au soleil.

Dans l’air bleu, çà et là, s’élevaient de longs panaches de fumée noirâtre ; le dôme du Panthéon, noble et fier, les regardait ; les cloches sonnaient, lointaines et fraîches comme de jeunes voix ; un vent frais balançait les têtes des arbres et des fleurs ; la voix et le rire des deux commères, babillant à cœur joie, arrivaient à eux comme un murmure de franchise et de gaieté ; un chien et deux enfants là-bas se roulaient dans l’herbe ; de gros bourdons, à l’abdomen jaune, passaient avec leur chanson, et les fleurs, de leurs calices, ouverts comme des lèvres laissaient échapper des haleines qui parfumaient l’air. Tout respirait la paix, une poésie sublime, un immense bonheur. Seulement, sur la route passait en ce moment, trainée par un petit âne gris, maigre et au poil en loques, une misérable charrette con-