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toute une armée, échappé par miracle aux fers de son rival, au sortir de beaucoup de torrents et de précipices, venait, tout frais encore, d’arracher sa bien-aimée aux horreurs d’un souterrain, où la tenait enfermée l’assassin de son père, de sa mère, de son frère et de sa sœur. Ils étaient seuls ensemble, après tant de traverses, seuls pour la première fois.

Et c’est là que la voix de Joseph venait de faiblir. Il essaya vainement de reprendre son récit ; quelque chose semblait lui serrer la gorge ; il dit enfin :

— Je vous finirai cela plus tard, mamzelle Marinette.

La jeune fille tressaillit ; c’était la première fois que Joseph l’appelait mademoiselle. Elle se demanda ce qu’il avait, mais n’osa pas le demander à lui-même ; ils ne disaient plus rien, mais elle écoutait en elle une voix intime qui lui chantait les louanges de Joseph. Il était si honnête ; si bon ! si aimable ! Il avait des manières, un air qui n’étaient qu’à lui, et Marinette ne pouvait comprendre qu’on trouvât beaux ceux qui ne lui ressemblaient pas. Même, cette petite cicatrice qu’il avait au front était agréable, et la courbe de ses épaules, un peu voûtées par un travail précoce, lui donnait un charme de plus.

Arrivés à la porte d’Arcueil, ils prirent à droite, et, cherchant sur cette longue bande de verdure quelque coin ombreux, ils s’assirent à l’ombre du pylone qui projetait une sombre pyramide entre les ombres grêles de