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au dessus des arbres, en frisant leurs derniers rameaux, il se mettait à hausser les épaules, et marmottait :

— Il en a menti ! Si j’étais là-haut, je la toucherais de la main.

Décidément, cela le préoccupait, aimant mieux peut-être penser à cela qu’à ses chagrins. Quand la lune brillait, il la regardait sans cesse, d’un air rêveur, et on le plaisantait à-dessus.

— Si l’on pouvait avoir une échelle assez grande on y monterait, dit-il un jour à son voisin, et l’on pourrait alors dire aux savants comment elle est faite ; car je parie qu’ils en parlent sans y être allés.

— Tu as ma foi raison, Jean le Sot, dit le voisin, qui aimait à gouailler, et, pour moi, je trouve ton idée si bonne, que je ferais faire volontiers une échelle aussi longue qu’il le faudrait ; mais la difficulté que j’y vois, serait d’en appuyer le bout sur la lune sans la faire tomber ; car ce qui l’accroche là-haut, à vrai dire, je n’en sais rien. Mais, j’y songe : si je te prêtais mes barriques en les juchant toutes, les unes sur les autres, ça ferait une belle hauteur.

Ce voisin, qui était riche, avait des vignes nombreuses, et par conséquent beaucoup de tonneaux.

Jean le Sot fut ravi de cette idée. Aussi la voulut-il mettre à exécution. Tant pressa-t-il le voisin, qui avait jeté ces mots en l’air, que celui-ci, poussé d’ailleurs par d’autres, qui voulaient également s’amuser de l’innocent, consentit à prêter pour l’expérience toutes ses barriques vides. Ce fut un dimanche soir, pendant que la femme de Jean était allée voir sa sœur au village voisin, que la chose eut lieu. On empila les unes sur les autres jusqu’à vingt barriques, plus trois ou quatre petits tonneaux,