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Un jour qu’elle était pressée de sortir afin de mener aux champs sa chèvre, elle pria Jean le Sot, pour qu’il ne restât pas à rien faire, de rincer les verres au moins, parce qu’ils avaient eu de la compagnie ; et, mettant de l’eau dans un grand plat :

— Voici, lui dit-elle, on rince avec les doigts, ainsi, tout autour jusqu’à ce que ce soit fini.

Puis elle partit. Revenant une heure après, dès le seuil, elle entendit comme des beuglements : et, se hâtant d’ouvrir la porte, elle vit Jean le Sot dans la même position où elle l’avait laissé, qui rinçait toujours le même verre. Il sanglottait, et ses larmes tombaient dans l’eau.

— Qu’est-ce que tu as lui demanda-telle, et pourquoi pleures-tu ?

— Ne vois-ta pas, s’écria-t-il, que je n’a pas encore pu en laver un seul ! Tu m’as dit de tourner jusqu’à ce que ce fut fini ; eh bien, je tourne depuis une heure, et cela ne finit pas, et je ne puis trouver le bout de ce maudit verre ; aussi, l’aurais-je cassé mille fois déjà, si je n’avais craint de te fâcher.

Un autre jour, qu’il avaient tondu leurs moutons et qu’ils devaient se rendre à la foire pour vendre la laine, la femme de Jean le Sot se trouva tout à coup si malade qu’elle ne put faire le voyage. Bien que tout fut prêt et qu’ils eussent besoin d’argent, elle ne pouvait se décider à laisser Jean chargé de la vente, redoutant quelque fâcheuse aventure. Cependant, il voulut absolument partir et promit de si bien faire, qu’après lui avoir souvent répété le prix qu’il devait exiger, ou sans quoi rapporter la laine, enfin, toujours inquiète, mais lasse de disputer là-dessus, elle consentit. Il devait d’ailleurs consulter son frère qui serait à cette foire également.

ANDRÉ LÉO.

(La suite à un prochain numéro)