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FEUILLETON DU TEMPS
DU 26 MARS
CONTES POPULAIRES

JEAN LE SOT[1]

Pendant ce temps, Jean le Sage, inquiet de ne pas voir revenir son frère, s’était, lui aussi, levé ; à peine les filles étaient-elles passées qu’il descendait également l’escalier. Il n’avait pas quitté les dernières marches que les mêmes grognements frappèrent son oreille, et connaissant l’esprit de son pauvre frère, ce ne fut pas de sorcellerie qu’il eut crainte ; mais plutôt de quelque sottise nouvelle. Il s’avança donc, et ayant ranimé le feu en soufflant sur des brindilles, il vit s’agiter un corps d’homme surmonté d’une énorme chose noire à trois pointes, et c’était de là que partaient les grognements, en même temps si féroces et si étouffés, qu’il fallait croire qu’on étranglait quelqu’un là-dedans.

Jetant alors d’autres sarments dans le feu, il obtint une flamme, et reconnut enfin que ce corps était bien celui de son frère, et que la chose noire était la marmite, dont il s’était coiffé sans doute en voulant lécher le fond. Jean le Sage essaya d’aider le sot à sortir de là sa tête, mais il n’en put venir à bout. Ils avaient beau tirer par en haut, ou secouer par en bas, la marmite ne lâchait prise et la malheureuse tête enfermée là-dedans était si rouge, si gonflée, si perdue de sens, qu’il n’y avait apparence qu’elle en put sortir jamais et Jean le Sot, fou de désespoir, et le cou presque brisé, poussait de tels hurlements

  1. Voir le feuilleton du 19, 20 et 24 mars.