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FEUILLETON DU TEMPS
DU 24 MARS
CONTES POPULAIRES

JEAN LE SOT

On plaça Jean le Sage près de l’aînée des deux filles, et Jean le Sot près de la cadette. Celle-ci était une rusée, qui, voyant de suite à quel garçon elle avait affaire, voulut s’amuser. Après bien des taquineries en manière de politesses, auxquelles Jean le Sot répondit si gauchement que tout le monde avait peine à sa retenir d’éclater, elle demanda comment il trouvait sa sœur.

— Voilà ! dit Jean le Sot, en regardant son frère avec un reste de ressentiment, faut-il ou non maintenant dire la vérité ?

— Bien sûr, dit Jean le Sage ; puisque surement elle sera flatteuse.

— Pour flatteuse, elle l’est, répliqua l’innocent ; je ne trouve pas votre sœur si laide que mon frère me l’avait dit.

Prévoyant une sottise, Jean le Sage s’était bien empressé de parler très haut à sa fiancée, en même temps qu’il donnait au chien, sous la table, un grand coup de pied, qui le fit hurler. Malgré tout, la maligne cadette entendit les paroles de son voisin, et ceux qui ne les entendirent pas s’en doutèrent. Jean le Sage, de ce moment, vit bien qu’avec son frère, tout tournerait mal.

Après qu’on eût mangé la soupe, la fermière posa sur la table une gibelotte fumante, qui depuis longtemps réjouissait les narines de Jean le Sot par sa bonne odeur, où se mêlaient, avec les senteurs de l’ail et du serpolet, celle de la viande cuite à point. Il couvait le plat de ses gros yeux, jusqu’à ce qu’on lui en eût servi une forte part qu’il accepta sans façon, et alors, [1]

  1. Voir le feuilleton du 19 et 20 mars.