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qui discute, qui exige l’épreuve par les faits, qui ne permet pas de se laisser égarer par des discours légers, qui ne se laisse pas écarter du chemin circonscrit par la réalité des événements. Certes, on peut éluder cela par des paroles si l’on est intellectuel ou bolchévik de gauche. Celui-ci sait éluder par des exorcismes révolutionnaires le simple fait que l’armée n’existe plus ainsi que le fait qu’en Allemagne il n’y a pas encore de révolution. Les millions d’hommes de la masse — la politique commence là où sont des millions, non pas des milliers d’hommes, la politique sérieuse n’est que là où sont des millions d’hommes, — eux, ils savent ce que c’est que l’armée parce qu’ils ont vu les soldats rentrant du front. Ils savent que nous ne pouvons plus faire la guerre, que la mesure du possible est comble pour l’homme du front. La masse a déjà compris que s’il n’y a plus d’armée et que le fauve est là dans votre voisinage, il vous faut signer la paix la plus désavantageuse. C’est inévitable. Aussi longtemps que la révolution à l’étranger ne viendra pas, que vous n’aurez pas assaini votre armée, que vous ne l’aurez pas recouvrée, aussi longtemps le malade ne pourra pas guérir. Mais nous ne trancherons pas ces problèmes d’un coup, nous ne renverserons pas ces obstacles comme nous renversâmes Kerenski et Kornilov. Voici la leçon que les masses ont acceptée entièrement, répudiant les sophismes qu’on leur proposait pour masquer la réalité amère.

Au début, marche triomphale ininterrompue d’octobre à janvier. Ensuite la révolution russe est terrassée en quelques semaines par le brigand allemand. Oui, les revirements de l’histoire sont très durs, durs surtout parce que la révolution d’Octobre ne fut pas comprise par tous. Quand nous avons signé en 1907 le compromis intérieur inouï, déshonorant, avec Stolypine[1], nous avons vécu, sur une échelle moins vaste, une situation analogue à celle d’aujourd’hui. Alors les hommes qui appartenaient à l’élite, à l’avant-garde de la révolution russe, déclaraient : « Nous avons une

  1. Lénine parle de la décision de participer aux élections à la IIIe Douma, après le coup d’état du 3 juin. Aucun « compromis avec Stolypine », certes, ne fut « signé ».