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pu être, car dans notre pays anarchisé nous avons des masses brisées de fatigue, acculées au point où aucune guerre n’est possible, auxquelles trois années de guerre exténuante ont enlevé toute valeur militaire. Nous avons vu déjà avant la révolution d’octobre que des représentants de la masse des soldats, nullement bolchéviks, ne craignaient pas de dire cette vérité que l’armée russe ne pouvait plus combattre. Cet état de choses créa une crise gigantesque. Un pays composé de petits paysans, désorganisé par la guerre d’une façon inouïe, se trouva dans une situation extrêmement grave. Nous n’avons point d’armée, tandis que nous devons vivre côte à côte avec un brigand armé jusqu’aux dents, qui reste, lui, un brigand, et qu’on ne peut pas prendre avec de la propagande d’une paix sans annexions ni indemnités. Voyez-vous un animal domestique inoffensif couché à côté du tigre et lui vantant les bienfaits d’une paix sans annexions, ni indemnités ! Cette paix n’aurait pu être obtenue que par une attaque contre le tigre. Les couches supérieures de notre parti, les intellectuels et une partie des ouvriers, tentèrent d’éluder ces faits par des phrases et des subterfuges : « Cette paix serait trop inouïe pour que nous puissions céder, accepter ces conditions outrageantes, nous, qui jusqu’à ce moment avancions ouvertement contre nos ennemis, qui les vainquions par nos seuls cris de guerre ! Jamais ! Nous sommes des révolutionnaires trop fiers pour cela. Nous déclarons donc que l’Allemand ne pourra pas avancer ».

Ce fut le premier subterfuge avec lequel ces gens-là se consolèrent. L’histoire nous a placés actuellement dans une situation très difficile, nous devons par un travail organisateur très compliqué surmonter une série de défaites cuisantes. Sous l’angle de vue de l’histoire mondiale, il est hors de doute qu’il faudrait désespérer de la victoire finale de notre révolution si elle restait isolée, si dans les autres pays aucun mouvement révolutionnaire ne survenait. Prenant la direction entre les mains du parti bolchéviste seul, nous le faisions étant convaincus que la révolution mûrissait dans tous les pays et qu’à la fin des fins — mais à la fin des fins et non