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Que la bourgeoisie russe clame contre la « paix infâme », c’est une juste expression de son intérêt de classe.

Jetez un coup d’œil sur la tactique de la bourgeoisie anglo-française. Elle nous entraîne de toutes les manières à la guerre avec l’Allemagne, elle nous promet des milliers de bonnes choses, des bottes, des pommes de terre, des obus, des locomotives (tout par crédit… ce n’est pas une « servitude », ne craignez rien ! ce n’est qu’un crédit). Elle veut que nous fassions la guerre à l’Allemagne au moment actuel.

C’est parfaitement intelligible pourquoi elle doit le désirer. En premier lieu, parce que nous attirerions sur nous une partie des forces allemandes. En second lieu, parce que le pouvoir soviétique pourrait crouler le plus facilement dans le cas d’une rencontre militaire prématurée avec l’impérialisme allemand.

La bourgeoisie anglo-française nous tend ce guet-apens : « Allez, mes chéris, combattre actuellement, nous en profiterons admirablement. Les Allemands vont vous piller, ils se dédommageront à l’Est, ils nous céderont donc à meilleur marché à l’Ouest, et entre temps le pouvoir soviétique va crouler… Faites la guerre, chers petits bolchéviks « alliés », nous vous secourrons ».

Et les bolchéviks de gauche (évidemment !) se fourrent dans le guet-apens, s’enivrant des phrases les plus révolutionnaires.

Oui, oui, le penchant pour la phrase révolutionnaire est une des traces de la psychologie de la petite bourgeoisie[1]. C’est une vérité ancienne, une vieille histoire, qui devient trop souvent nouvelle.

En été 1907, notre parti a subi une maladie de phrases révolutionnaires qui présente quelque analogie avec la maladie actuelle. Piter et Moscou, presque tous les bolchéviks, étaient pour le boycottage de la IIIe Douma, ils substituaient le « sentiment » à l’analyse des faits, se laissaient prendre au guet-apens.

  1. Allusion aux antécédents « petits bourgeois », c’est-à-dire menchévistes, de Trotzki.