14° Il n’y a nul doute que notre armée à ce moment aussi bien qu’au courant des semaines (et très probablement des mois) à venir, est absolument hors d’état de repousser une offensive allemande ; 1) pour cause de la lassitude extrême de la majorité des soldats, de la désorganisation complète du ravitaillement, de la nécessité de relever les surmenés, etc. ; 2) du mauvais état de notre matériel de réserve, ce qui signifie la perte de toute notre artillerie ; 3) de l’impossibilité de défendre le littoral entre Riga et Réval, ce qui donne à l’adversaire les meilleures chances de conquérir le reste de la Lievlande, ensuite l’Estlande[1] pour porter un coup dans le dos à une grande partie de nos troupes et finalement pour prendre Pétersbourg.
15° De plus il ne peut y avoir ombre de doute que la majorité paysanne de notre armée se prononcerait actuellement pour une paix annexioniste et non pour une guerre révolutionnaire immédiate. La création d’une armée socialiste révolutionnaire qui doit réunir les détachements de la garde rouge ne fait que commencer. Ge serait une aventure que de mener une guerre contre la volonté de la plupart des soldats, vu la démocratisation complète de notre armée. Il faut, pour le moins, des mois et des mois pour former une armée solide de socialistes conscients.
16° Les paysans pauvres en Russie peuvent appuyer la révolution socialiste, conduite par la classe ouvrière. Ils ne sont pas capables d’entreprendre à ce moment une guerre révolutionnaire sérieuse. Gela serait une grande erreur que de garder le silence sur cet aspect des rapports — entre les classes.
17° Telle est donc à ce moment la situation en ce qui concerne la guerre révolutionnaire.
Si la révolution en Allemagne éclate dans les trois-quatre mois prochains, alors peut-être la tactique de la guerre révolutionnaire immédiate ne perdra pas notre révolution socialiste.
Par contre si la révolution allemande ne survient pas
- ↑ Les notions de Lievlande et d’Estlande, provinces russes, ne correspondent pas aux frontières actuelles des états de Lettonie et d’Esthonie.
