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chéviks l’ont béatifié, ou même, pourrait-on dire, déifié. Ses paroles, ses écrits nous le font donc mieux connaître que les innombrables récits sur lui qui portent déjà le sceau de la légende.

Lénine — quelle que soit la version officielle soviétique — ne fut jamais un grand théoricien original. Il ne fit qu’accepter les doctrines de Marx, d’Engels, etc…, en les appliquant aux circonstances du moment. Sans l’occasion unique de la révolution russe de 1917, il n’aurait assurément pas laissé de trace tant soit peu considérable, même dans l’histoire des partis révolutionnaires et socialistes. Il ne fut non plus ni un écrivain de grand style, ni un orateur brillant. Mais ce qui fit sa force, dans son milieu où la phrase souvent prime tout, ce fut sa conviction fanatique réunie à un opportunisme révolutionnaire très large. D’ordinaire, les fanatiques ne savent pas se plier aux circonstances, et les opportunistes perdent de vue leur but à force de compromis. Lénine savait s’adapter, mais ne variait jamais quant au but.

Son but, c’est la révolution sociale universelle ; c’est vers ce but que sont tendus tous ses efforts. Mais ce n’est pas la conception claire d’une vie nouvelle quelconque, c’est la haine envers l’ordre de choses existant qu’on trouve au fond de son unique passion. Il est hanté par l’idée d’une guerre implacable contre le « monde bourgeois » et c’est au vocabulaire militaire qu’il recourt sans cesse, même en parlant de lutte politique et économique : tantôt c’est « l’attaque de la cavalerie légère » et « la préparation par l’artillerie lourde » ; tantôt, c’est la nécessité d’employer les mitrailleuses pour arrêter les fuyards, ensuite c’est « l’assaut et le siège » ; il parle à tout moment de la nécessité de se fortifier sur ses positions, de ravitailler les troupes, etc… Pour la victoire dans cette guerre, tous les moyens sont bons pour lui :

Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de lutte de classe du prolétariat… Moral est tout ce qui sert à la destruction de la vieille société… La morale communiste, c’est ce qui sert à cette lutte, c’est ce qui unit tous les travailleurs contre