Lénine aborde ensuite le cinquième argument : la situation serait trop complexe.
Oh, les sages ! Ils sont prêts, voyez-vous, à admettre la révolution, mais sans « situation très complexe ».
De telles révolutions n’arrivent point, et ces aspirations à une révolution pareille ne sont rien d’autre que des lamentations réactionnaires d’intellectuels. La révolution, même si elle débute dans une situation qui ne paraît pas complexe, crée toujours dans son cours un état de choses extrêmement complexe… Aucune grande révolution ne se passe sans guerre civile. Seulement les hommes en œillères peuvent penser que la guerre civile peut avoir lieu sans qu’il en résulte une situation très complexe (11).
Lénine cite deux souvenirs pour illustrer la psychologie des intellectuels et celle des masses devant le fait révolutionnaire.
Conversation avec un ingénieur riche, peu de temps avant les événements de juillet. Cet ingénieur fut autrefois révolutionnaire, membre du parti social-démocrate et même bolchéviste. Maintenant il est plein d’épouvante, plein de haine contre les ouvriers déchaînés et intraitables. Si c’étaient encore des ouvriers comme ceux d’Allemagne, disait-il ! — certes, je comprends, la révolution sociale est inévitable en général, mais chez nous, avec cet abaissement de niveau ouvrier que provoqua la guerre… ce n’est pas une révolution. C’est un abîme.
Il était prêt à admettre la révolution sociale, si l’histoire était arrivée paisiblement, tranquillement, avec élégance et précision, ainsi qu’un express allemand entre en gare. Un conducteur posé ouvre la portière et annonce « Station Révolution Sociale. Alle aussteigen (tout le monde descend) ». Alors, pourquoi ne deviendrait-il pas l’ingénieur des organisations ouvrières au lieu d’être l’ingénieur d’un capitaliste.
Cet homme a vu des grèves. Il sait quelle tempête de passions provoque, même en temps ordinaire, une simple grève de masse. Il comprend évidemment, combien de millions de fois plus forte doit être cette tempête quand la
