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sur lui-même. Légende ou réalité ? Le discours du 29 mars permet de soupçonner une crise profonde. Elle se résolut dans l’annihilation de toute pensée par la terrible maladie.

En tous cas, dans les trois ou quatre mois pendant lesquels Lénine, partiellement rétabli, put encore agir et parler, rien de la « crise » ne se manifesta plus. Lénine paraissait revenu à un sorte d’optimisme officiel.

Parmi les innombrables glorifications du demi-dieu bolchéviste on ne trouve rien qui puisse approcher d’une appréciation tant soit peu impartiale de sa personnalité. Les jugements des adversaires ont au moins l’avantage d’être libres de toute forme officielle ; en voici quelques-uns.

Maxime Gorki, qui n’avait pas encore au début de la révolution bolchévique rallié les rangs des admirateurs de Lénine, écrivit sur son compte dans la Novaïa Jizn (23. XI. 1917) :

Lénine est un homme d’une force exceptionnelle… Homme de talent, il possède toutes les qualités d’un chef, en même temps que le manque de morale nécessaire pour ce rôle et une cruelle indifférence aristocratique pour la vie humaine. Lénine ne connaît point la vie dans toute sa complexité ; il ne connaît pas le peuple, n’ayant jamais vécu dans son milieu ; mais il a bien appris dans ses livres tout ce qui peut soulever la masse, tout ce qui peut déchaîner les instincts. La classe ouvrière pour Lénine, c’est le minerai pour le métallurgiste. Peut-on dans les circonstances données, mouler ce minerai dans la forme d’un Etat socialiste ? Il paraît que c’est impossible, mais pourquoi ne pas l’essayer ? Que risque Lénine si l’expérience échoue ?

Le célèbre savant et homme politique russe, M. Pierre Struve, qui fut l’un des premiers marxistes russes dans sa jeunesse et connut bien Lénine pendant les premières années de son activité, écrivit sur son compte dans la Rousskaïa Mysl (en février 1924) :

Lénine fut un des hommes qui revêtent leur importance non de leurs qualités individuelles mais parce qu’ils incarnent une des forces élémentaires historiques… Cet esprit stérile et plat possédait une volonté forte et souple, non seulement irréfrénée, mais absolument impudente. Lénine était en politique un amoraliste absolu et c’est pour cela qu’il put être un tacticien admirable et heureux. Lénine, comme type psychologique personnel, présentait le mélange d’un bourreau avec un fourbe ; ce qui fut répul-