— Que Dieu te le rende, femme compatissante, qu’il te le rende dix fois ! Puisses-tu avoir de quoi vêtir tes enfants nus, puisses-tu être heureuse, et ce que tu commences à faire aujourd’hui, puisses-tu ne pas le finir d’ici à ce soir.
Ainsi parla en s’en allant le pauvre vieillard. La Janova le remercia de toutes ses bénédictions ; mais elle ne comprit pas bien le sens de toutes ses paroles. La Janova était une pauvre veuve ; elle avait deux enfants, qu’elle nourrissait comme elle pouvait de son travail ; quand le vieillard la quitta, il était déjà midi passé ; ses enfants n’avaient pas dîné et elle n’avait rien à souper. On lui avait donné naguère trois paquets de lin ; elle avait travaillé ce lin avec beaucoup de soin et de peine, elle l’avait roui, teillé, peigné, filé à elle seule ; le tisserand lui en avait fait vingt aunes de toiles, et cette toile — son seul bien — elle la gardait pour faire dans l’hiver de quoi se vêtir elle et ses enfants. Or, il n’y avait plus rien dans la maison ; les enfants demandaient en pleurant à manger. Janova se prit à pleurer aussi. Que faire ? Tout à coup, l’idée lui vint d’aller vendre au Juif quelques aunes de toile.