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beau jour qu’il avait commencé à faire des vers, au collège, en quatrième, sans aucun dessein, comme une chose naturelle, un besoin. On trouverait les premiers qu’il eut d’imprimés dans Lutèce, petite revue où il débuta en 1885, et il y a des vers de collège dans son premier recueil, Les Lendemains, publié la même année à la librairie Vanier. En 1880, il publia à la même librairie un deuxième recueil : Apaisement. Les vers contenus dans ces deux volumes n’avaient rien de sensationnel. Il y avait de la forme, de l’harmonie, mais les motifs en étaient bien habituels. C’étaient les vers d’un élève parnassien, déjà très fort, voilà tout. M. de Régnier vivait alors très retiré. Le seul homme de lettres qu’il connût était M. Sully Prudhomme, dont les écrits philosophiques confinent quelquefois à la poésie. Peut-être était-ce encore pour lui l’époque des grandes lectures, celles dont on a dit qu’elles préparent la personnalité, ce qui est vrai si l’on veut. Il avait lu et lisait beaucoup Hugo, Il lisait aussi Baudelaire, Vigny, Mallarmé, et les sonnets de M. de Hérédia, épars dans les revues et que les lettrés collectionnaient. Son ardeur poétique ne l’occupait cependant pas tout entier. Il pensait déjà au roman. Un autre côté de son esprit le portait vers les livres d’analyse, les romans, les Mémoires, tout ce qui peint la vie et les hommes, présents ou passés. A ce sujet, il croit que Les Liaisons dangereuses, La Chartreuse de Parme, La Faustin,Salammbô et Mme Bovary furent les livres de cette sorte qui le prirent le plus. Même au plus fort de sa carrière poétique, il est resté attentif aux choses et aux gens. Il me le disait : « J’étais double, en quelque sorte ; symboliste et réaliste, aimant à la fois les symboles et les anecdotes, un