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krupp, dont le nom est devenu mondial par suite de l’importance qu’il a donnée à la fabrication de l’acier, et surtout par la création, à Eissen (Prusse), de la plus colossale usine de canons qui existe au monde, avait imaginé une série d’outils et de laminoirs pour la fabrication du couvert, et monté plusieurs fabriques importantes, tant en Allemagne qu’en Autriche. Mais dans son procédé, comme dans celui d’Allard, les rouleaux étaient de petit diamètre, 11 à 12 centimètres, et les couverts passés aux machines avaient le grave inconvénient de sortir des rouleaux avec des longueurs inégales. C’est à un Français, M. H. Levallois, que l’on doit la transformation du laminoir à rouleaux circulaires de petit diamètre, en machines à va-et-vient, mues par une bielle opérant la pression sur des matrices en forme de segments de cylindres, montées sur un bloc circulaire en fonte ayant 0m, 65 de diamètre. La pression, s’exerçant sur une surface plus grande qui tendait à se rapprocher de l’horizontalité, remédiait aux inconvénients des rouleaux de petit diamètre et les couverts sortaient en perfection, de longueur identique. Cette idée ingénieuse avait permis de réaliser la perfection du travail produit par le balancier, mais avec une rapidité de production qui allait en diminuer le prix de revient. Cette fabrication fut installée à Bornel, dans l’Oise, par l’inventeur. Malheureusement pour lui, il s’était adressé à des capitalistes qui lui avaient fourni l’argent nécessaire, mais qui, profitant d’une clause résolutoire de son traité, l’avaient contraint à se retirer au moment où l’exploitation était en pleine production, et allait lui donner la fortune. Peut-être serait-il mort dans la misère, s’il n’avait pas rencontré, dans M. Christofle, l’homme qui pouvait le sauver. Il lui apportait ses procédés, son expérience, et, c’est grâce à lui qu’il devait monter la grande usine de Saint-Denis où l’on fabrique aujourd’hui des centaines de douzaines de couverts par jour.

Le rapporteur du Jury de 1855, en signalant l’importance qu’avait déjà prise la fabrication par l’outillage mécanique, ne faisait qu’entrevoir le développement qu’allait prendre l’industrie de l’orfèvrerie par l’intervention simultanée de l’argenture galvanique et de la machinerie moderne. En s’appuyant sur les documents les plus autorisés, on constate aujourd’hui que la quantité de couverts argentés fabriqués par jour s’élève pour les seuls pays qui fabriquent en grand l’orfèvrerie argentée :

en France à 2 000 douzaines,
en Angleterre à 2 400
en Allemagne et Autriche à 3 200
en Amérique à 2 400


et que la charge d’argent déposé, varie de 100 grammes à 25 grammes par douzaine, suivant la destination du produit. Il résulte de cela que, calculant sur un poids moyen de 50 grammes par douzaine, ces quatre pays produisent par jour