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tivateurs qu’elle avait obligés. M. Victorien Sardou, à qui un long séjour à Marly a permis de donner un libre cours à ses instincts de fureteur des archives du passé d’un pays qu’il affectionne, et qui mieux que personne connait les secrets du château de Marly et du Pavillon de Louveciennes, n’admet pas que tout l’orfèvrerie de la du Barry ait été fondue par la Convention et croit que ni le parc ni les dépositaires n’ont dit le dernier mot.

Dans les premiers temps de son séjour à Marly, M. V. Saron visitait les environs, aimait à faire parler les vieux du pays auxquels il arrachait d’heureuses confidences. L’un d’eux, qui se souvenait d’avoir vu Mme du Barry et d’avoir connu l’un des dépositaires de l’argenterie de la favorite, racontait qu’après la Révolution de 1848, un de ses voisins lui avait montré des pièces d’orfèvrerie qu’il avait espéré vendre plus facilement à cette époque troublée que sous les règnes précédents. Il avait tiré 15 000 francs de son trésor en le vendant à un orfèvre de Paris qui s’est bien gardé de dévoiler l’origine de sa trouvaille.

Que sont devenues les pièces du service de Roëttiers ? Où auraient passé les beaux ustensiles d’or, avec les Amours balançant des guirlandes de roses, la cafetière ornée de rinceaux antiques et les autres merveilles décrites plus haut ? Faut-il espérer que nous verrons sortir un jour de quelque collection inconnue ces spécimens probablement exquis de l’orfèvrerie de la fin du règne de Louis XV ? ou bien, doit-on se résigner à ne plus jamais voir reparaitre ces ouvrages qui auraient pu le mieux nous renseigner sur le talent de Jacques Roëttiers dans ses dernières manifestations !


Nous avons déjà parlé au chapitre précédent des boites et bonbonnières d’un art parfois merveilleux, et dont plus que jamais raffolèrent grands seigneurs et grandes dames de la cour ; Marie-Josèphe de Saxe s’en fit une collection admirable dont l’inventaire a été publié[1].

Celle de Mme de Pompadour n’était pas estimée à moins de 300 000 livres ; celle du prince de Conti, Louis-François de Bourbon (mort en 1776), en comprenait près de huit cents. Tandis que certains grands seigneurs recherchaient les boites à miniatures — comme le duc de Choiseul ou le duc de Richelieu qui en avaient fait, en secret, décorer de sujets qu’ils n’auraient pu montrer au grand jour —, d’autres préféraient les tabatières somptueuses, étincelantes de diamants. Cette mode gagnait les cours étrangères, et le Grand Frédéric faisait venir de Paris toutes celles qu’il se plaisait à ajouter à la collection importante dont il avait hérité[2]. Nous ne parlerons pas des autres objets usuels, en dehors de l’argenterie de table, que les orfèvres s’ingéniaient à accommoder aux fantaisies élé-

  1. Germain Bapst, Inventaire de Marie-Josèphe de Saxe.
  2. Feuillet de Conches, Causeries d’un curieux, t. II.