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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

rait une noble et grande dame, je te dis grande…, suffit… qui faisait le désespoir de son mari à toujours vouloir rester au village ; quand il lui mettait dans les yeux les magnificences de la ville, les laideurs du domaine, elle répondait : « Je me soucie peu des splendeurs, je ne veux faire pécher personne par envie : je n’apprécie ni les fêtes, ni la société, et je n’entends pas que l’on me fasse casser le cou. La messe le dimanche me suffit : je sais bien l’épargne que l’on fait en restant ici et ce que l’on dépense dans tes villes ; vas-y si tu veux, sinon, reste. » Le gentilhomme, qui ne pouvait faire autrement que d’y retourner, quand même il n’aurait pas voulu, était bien forcé de la laisser seule, et des fois toute une grande quinzaine.

Antonia. — Je crois bien deviner où aboutissait son idée.

Nanna. — Son idée aboutissait à certain prêtre, chapelain du domaine ; s’il avait eu un revenu aussi gros que le goupillon avec lequel il donna l’eau bénite au jardin de la noble dame (elle se le fit inonder, comme tu le verras), il aurait été plus à son aise qu’un Monseigneur. Oh ! il vous en avait un manche, sous le ventre. Oh ! il en avait un solide ! Il en avait un tout bestial !

Antonia. — Chancres !…[1].

Nanna. — Madonna, étant à la villa, l’aperçut un jour qui pissait sous sa fenêtre, sans se gêner ; c’est elle-même qui me le dit, car elle m’avoua toute l’affaire. En lui voyant long comme le bras d’une queue blanche, à la tête de corail, fendue de main de maître, avec une veine galante courant le long de son échine, queue qui n’était ni debout, ni assise, mais bandochante en forme de fève écossée, entourée d’une couronne de poils frisés, blonds comme l’or, qui se tenait entre deux sonnettes troussées, rondelettes, vivantes, plus belles que celles d’argent dont sont ornés les pieds de l’Aquilon qui est à la porte de l’Ambassadeur ; en voyant, te dis-je, l’escarboucle, elle mit ses mains par terre, de peur d’en faire un enfant marqué.

  1. Juron très fréquent à l’époque.