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LES RAGIONAMENTI

du cabinet, et me fit toucher de la main un quidam qu’à première vue je jugeai être de ceux qui ont plus de muscles que de pain à manger. La vérité, c’est que, devant mes yeux, elle se coucha sur lui, et mettant la maison sur la cheminée lui fit forger deux clous d’une chaude et faire deux galettes d’une haleine, en disant : « J’aime mieux qu’on me sache perverse et consolée qu’honnête et désespérée. »

Antonia. — Paroles à écrire en lettres d’or !

Nanna. — Elle appela sa petite servante, dépositaire de ses félicités, et fit sortir l’autre par où il était venu, non sans le parer d’une chaîne qu’elle avait au cou. Je la baisai au front, sur la bouche, sur les deux joues, et courus vite à la maison pour savoir, avant que mon mari ne rentrât, si le valet était bien fourni de linge propre. La porte était ouverte ; j’envoie ma chambrière voir en haut si j’y suis, et je me dirige vers la chambrette où il logeait au rez-de-chaussée. Je marche doucement, doucement, faisant semblant d’aller lécher de l’eau à la chaise percée, qui se trouvait par là, et j’entends parler tout bas, tout bas ; je prête l’oreille et je m’aperçois que ma mère avait pensé avant moi à ses petites besognes. Je lui donne ma bénédiction, comme elle m’avait donné sa malédiction quand je feignais de ne pas me laisser faire par mon mari, et je m’en retourne. L’escalier monté, comme je me rongeais de ce que j’avais vu, voici de retour mon propre-à-rien ; je passai avec lui mon caprice, pas tout à fait comme je voulais, mais du mieux que je pus.

Antonia. — Pourquoi pas comme tu voulais ?

Nanna. — Parce que n’importe quoi vaut mieux qu’un mari. Vois, par exemple, quand on dîne hors de chez soi.

Antonia. — Le fait est que le changement de viande augmente l’appétit. Je le crois, et l’on dit aussi : Pour un mari, n’importe quoi vaut mieux que sa femme.

Nanna. — Il m’arrivait d’aller à ma campagne, où demeu-

    sens abstrait. C’est ainsi qu’une des amplifications édifiantes du divin a été traduite sous le titre suivant : La passion de Jésus-Christ vivement descrite par le divin engin de Pierre Arétin (Lyon, 1539).