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INTRODUCTION

pour le peuple et la petite bourgeoisie, son nom évoque encore, avec ceux de Boccace et de Béranger, la grivoiserie qui est toute la santé et la sauvegarde du mariage. C’est que la variété est bien la seule arme que l’on possède contre la satiété. Et l’homme qui, directement ou indirectement, a fourni à l’amour un prétexte pour ne point lasser devrait être honoré par tous les amants et surtout par les gens mariés. Sans doute, on connaîtrait les postures, même si le dialogue attribué à l’Arétin n’avait pas été écrit, mais on n’en connaîtrait pas autant, et ni Forberg, ni les livres hindous, ni les autres manuels d’érotologie qui en indiquent un nombre beaucoup plus considérable ne seront jamais assez populaires pour donner à l’époux et à l’épouse une occasion naturelle, provenant d’une locution quasi proverbiale, de repousser l’ennui en variant les plaisirs. L’Arétin, qui utilisa le premier cette arme moderne, la Presse, qui, le premier, sut modifier l’opinion publique, qui exerça une influence sur le génie de Rabelais et peut-être sur celui de Molière[1], est aussi, par aventure, le maître de l’Amour occidental[2]. Il est devenu une sorte de demi-dieu fescennin qui a remplacé Priape dans le Panthéon populaire d’aujourd’hui. On l’invoque ou on l’évoque au moment de l’amour, car pour ce qui regarde ses ouvrages, on ne les connaît pas. Les exemplaires en sont devenus rares. En Italie même, on ne connaît guère que son théâtre. Les Ragionamenti n’avaient jamais été traduits en français avant que Liseux en publiât le texte accompagné

  1. Si l’on a pu citer Rabelais et Molière comme des auteurs sur lesquels le Divin a exercé son influence, il serait injuste de ne pas ajouter que, de notre temps, Hugues Rebell, qui était un grand lecteur des publications de Liseux, a dû à l’Arétin une très grande partie de ses mérites d’écrivain.
  2. « Toutes les nuances des attitudes galantes ont été traitées avec étant d’énergie par le célèbre Pierre Arétin, qui vivait dans le quinzième siècle (sic), qu’il n’en reste rien à dire aujourd’hui ». Thérèse philosophe, 2e partie. Cette opinion, exprimée dans un des ouvrages les plus licencieux du xviiie siècle, représente bien l’idée que l’on se fait encore en général du Divin.