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LES RAGIONAMENTI

fouetta avec cette douceur que montrent les Moines à punir un de leurs inférieurs, s’il lui arrive de cracher dans l’église. Il m’administra une telle fessée avec les courroies du lutrin qu’il m’enleva un demi-pied de chair, et ce qui me fut le plus sensible, c’est que l’Abbesse prenait le parti du Bachelier.

Après avoir passé huit jours à m’oindre d’huile et à me panser à l’eau de rose, je fis savoir à ma mère que si elle voulait me voir en vie, elle se dépêchât de venir. Elle trouva que je n’étais plus la même et, croyant que j’étais tombée malade à force d’abstinences et de matines, elle voulut à toute force que je fusse transportée sur l’heure à la maison. Toutes les belles représentations des Sœurs et des Moines ne purent me faire demeurer un jour de plus. Une fois à la maison, mon père, qui craignait ma mère plus que je ne crains je ne sais qui, voulait courir au médecin, mais on ne l’y laissa pas aller pour de bonnes raisons. Je ne pouvais pas cacher mon mal d’en bas, où les étrivières avaient joué comme les baguettes des gamins sur les marches de l’autel et les portes des églises, après les offices, le soir de la semaine sainte. Je dis que, pour me macérer la chair, je m’étais assise sur un peigne à carder l’étoupe, ce qui m’avait causé ce dégât. Ma mère cligna de l’œil à cette maigre excuse : en effet, les dents du peigne m’auraient traversé non seulement le cul (que le tien reste sain et sauf), mais aussi le cœur. Mais comme cela valait mieux, elle se tut.

Antonia. — Je commence à croire qu’il n’était pas feint l’ennui que tu montrais à faire la Pippa Nonne, et je me rappelle maintenant que ma bonne âme de mère avait coutume de dire qu’une Sœur, dans un certain monastère, feignait tous les trois jours d’avoir tous les maux imaginables, afin que les médecins lui missent l’urinoir sous les jupons.

Nanna. — Je sais bien qui c’était et je ne t’en ai pas parlé pour abréger. Maintenant que je t’ai tenue toute la journée à bavarder, je veux que tu viennes ce soir chez moi.

Antonia. — Comme tu voudras.

Nanna. — Tu m’aideras à faire quelques petites choses, et