Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
LES RAGIONAMENTI

L’image commençait fort à s’échauffer ; elle dit les yeux fixés sur le carrelage :

Et fais, Démon, que mon bijou
Vienne ou bien qu’à l’instant je meure.

À la fin de ces petits vers, voici que quelqu’un frappe à la porte, tout haletant comme celui qui, pris sur le fait de grapiller dans la cuisine, aurait, avec ses pieds, épargné à ses épaules une dégelée de coups de bâton. Aussitôt, elle laissa là toutes ses incantations et lui ouvrit.

Antonia. — Ainsi nue ?

Nanna. — Ainsi nue. Et le pauvre homme contraint par la nigromancie, comme la faim par la disette, lui jeta les bras autour du cou, et la baisant non moins savoureusement que si elle avait été la Rosa ou l’Arcolana, louait sa beauté dans les mêmes termes que ceux qui font des sonnets aux Tullies, et ce fantôme maudit se démenant toute et minaudant lui disait : « Sont-ce là des chairs à se coucher toutes seules ? »

Antonia. — Oh ! pouah !

Nanna. — Je ne te soulèverai pas davantage l’estomac avec cette vieille Trentine[1] ; je ne sais rien d’autre sur elle, parce que je n’ai rien voulu voir d’autre. Et quand l’ensorcelé séculier, un jeune gars à sa première barbe, la besogna sur un escabeau pedum tuorum, je fis la chatte de Masino, qui fermait les yeux pour ne pas attraper les rats.

Poursuivons maintenant ! Après la vieille, nous allâmes voir la Tailleuse qui était aux prises avec le Tailleur son maître, et qui, l’ayant déshabillé tout nu, lui baisait la bouche, les tétons, la baguette et le tambour, comme la nourrice baise à l’enfançon qu’elle nourrit son petit museau, sa bouchette, ses menottes, son petit corps menu, sa quéquette, son petit cul, si passionnément qu’il semble qu’elle veuille le sucer comme il lui suce le lait.

Certainement nous aurions mis l’œil à la fente pour voir le Tailleur découdre des lés dans la robe de la Tailleuse, mais

  1. Issue du Trentin ou pays de Trente. On croyait que le Tyrol produisait un grand nombre de sorciers et de sorcières.