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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

Antonia. — Tu faisais bien, c’est-à-dire tu aurais bien fait !

Nanna. — En me démenant ainsi sur son échine, je sentais tout ragaillardi mon guichet de devant, grâce au tampon qui me récurait le seau ; et pesant le pour et le contre, je me demandais à moi-même si oui ou non je recevrais l’argument tout entier ou seulement en partie. Je crois bien que j’aurais laissé aller le chien dans le terrier, si à ce moment ayant entendu le confesseur, qui s’était rhabillé ainsi que son élève et l’Abbesse bien contente, prendre congé, je n’avais couru voir les façons qu’ils faisaient au départ. Elle faisait l’enfant et, minaudant, disait : « Quand reviendrez-vous ? Ô Dieu ! à qui est-ce que je veux du bien ? Qui est-ce que j’adore ? » Et le Père jurait par les litanies, par l’Avent, qu’il reviendrait le soir suivant ; et le petit bardache qui se remettait encore les chausses lui dit adieu avec toute la langue dans la bouche. Et j’entendis que le confesseur en partant commençait ce Pecora campi que l’on dit à vêpres.

Antonia. — Le ribaud feignait de dire complies, hein ?

Nanna. — Tu l’as deviné. Et aussitôt que fut parti le susdit, j’entendis un tel tapage que je conjecturai que nos jouteurs eux aussi avaient fini leur journée et s’en retournaient victorieux chacun chez soi, faisant fienter leurs chevaux de manière que cela me paraissait la première pluie d’août.

Antonia. — Le sang !

Nanna. — Écoute, écoute ceci. Les deux qui avaient emballé leurs effets étaient retournées dans la chambre, et la raison, à ce qu’elles disaient en grommelant, c’était qu’elles avaient trouvé la porte de derrière fermée à clef par ordre de l’Abbesse, à laquelle elles donnèrent plus de malédictions que n’en recueilleront les prêtres le jour du jugement. Mais elles ne s’étaient pas dérangées pour rien, car en descendant l’escalier elles avaient vu sommeiller le muletier entré depuis deux jours au service du monastère ; et ayant jeté son dévolu sur lui, l’une disait à l’autre : « Tu iras le réveiller, sous le prétexte qu’il t’apporte une brassée de bois dans la cuisine, et te prenant pour la cuisinière il viendra de suite. Tu lui montreras alors cette chambre en disant : Portez-le là.