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LES RAGIONAMENTI

à cet ordre, ayant auprès d’elles leurs amants et les enfants nés d’elles, avec les noms de chacun et de chacune.

Antonia. — Le beau mémorial !

Nanna. — Dans le dernier cadre étaient peintes toutes postures possibles à l’homme qui veut avoir commerce avec une femme ou à la femme qui veut faire l’amour avec un homme. Et les Nonnes, avant d’entrer en lice avec leurs amis, sont obligées de s’essayer de réaliser en tableaux vivants les scènes qui y sont représentées ; cela se fait pour qu’elles n’aient point l’air emprunté une fois dans le lit, comme quelques-unes qui demeurent là, en quatre, sans odeur et sans saveur, et qui en goûte ressent le plaisir que donne un potage aux fèves, sans huile ni sel.

Antonia. — Il leur faut donc une maîtresse qui enseigne l’escrime ?

Nanna. — Il y a bien la maîtresse qui montre à celle qui l’ignore comment on doit se tenir dans le cas où la luxure stimule l’homme au point qu’il veuille chevaucher sur une caisse, sur des marches d’escalier, sur une chaise, sur une table ou sur le pavé. Et cette même patience que possède celui qui enseigne un chien, un perroquet, un étourneau et une pie, il faut qu’elle l’ait celle qui enseigne les attitudes aux bonnes Sœurs ; et la dextérité des escamoteurs est moins difficile à acquérir que l’art de forcer l’oiseau à se dresser sur ses pattes, même s’il ne veut pas.

Antonia. — Vraiment ?

Nanna. — Trés certainement. Quand on en eut assez de regarder la peinture, de discuter et de plaisanter, comme disparaît la rue devant les Barberi qui courent le palio, ou pour mieux dire la viande de vache devant ceux qui mangent relégués à l’office ou bien les figues devant la faim du paysan, ainsi disparurent les Nonnes, les Frères, les prêtres, les séculiers, ne laissant même pas les enfants de chœur, ni les moinillons, ni même celui qui avait apporté les machines de verre. Il ne resta avec moi que le Bachelier et, me sentant seule, je restai muette, presque tremblante : « Sœur Christine, me dit-il (c’est ainsi qu’on m’avait rebaptisée dès que j’eus pris