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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

Antonia. — Je suis très bien. Commence.

Nanna. — Il me vient l’envie de blasphémer contre l’âme de Monseigneur… je ne veux pas le dire, qui me tira du corps cet ennui.

Antonia. — Ne te fâche pas.

Nanna. — Mon Antonia, les Nonnes, les Femmes mariées et les Putains sont comme un carrefour. Sitôt que l’on y arrive, on reste un bon bout de temps à se demander où l’on posera les pieds, et il arrive souvent que le Démon nous entraîne dans la voie la plus triste, comme il entraîna l’âme bénie de mon père, le jour où il me fit Sœur contre la volonté de ma mère (de sainte mémoire). Tu dois l’avoir connue. Oh ! celle-là était plus que femme.

Antonia. — Je l’ai connue pour ainsi dire en songe, et je sais (parce que je l’ai entendu dire) qu’elle faisait des miracles derrière les Banchi ; et j’ai entendu dire que ton père, qui était compagnon du guet, l’épousa par amour.

Nanna. — Ne me rappelle pas mon chagrin. Rome ne fut plus Rome du jour où elle resta veuve de ce couple si bien assorti. Et pour en revenir au fait… Le premier jour de mai, Monna Marietta (c’est ainsi que se nommait ma mère), bien que par plaisanterie on l’appelât la belle Tina, et ser Barbieraccio (ce nom était celui de mon père), ayant réuni toute la parenté, et oncles et grands-pères, et cousins et cousines, et neveux et frères, avec une bande d’amis et d’amies, me menèrent à l’église du monastère. J’étais vêtue tout entière de soie, tout environnée du parfum de l’ambre gris, avec une coiffe d’or sur laquelle était posée la couronne de virginité, tressée de fleurs roses et violettes, avec des gants parfumés, avec des mules de velours, et, si je me souviens bien, c’était à la Pagnina, qui entra, il y a peu de temps, chez les Repenties, qu’appartenaient les perles que je portais au cou et les robes que j’avais sur le dos.

Antonia. — Elles ne pouvaient être à une autre.

Nanna. — Et, attifée vraiment comme une fiancée, j’entrai dans l’église où se trouvaient des milliers et des milliers de personnes qui, toutes, se tournèrent vers moi aussitôt que