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LES RAGIONAMENTI

Antonia. — C’est une obligation que je mettrai avec les autres.


Ces paroles dites, la Nanna ferma la porte de la vigne et elles rentrèrent à la maison sans autrement discourir. Elles arrivèrent juste au moment où le soleil mettait ses bottes pour courir en poste chez les Antipodes qui l’attendaient comme des poussins engourdis ; les cigales, rendues mueltes par son départ, cédaient leur rôle aux grillons et restaient immobiles ; le jour ressemblait à un négociant tombé en faillite, qui guigne de l’œil une église, pour se jeter dedans. Déjà les chats-huants et les chauves-souris, ces perroquets des ténèbres, allaient au-devant de la nuit : les yeux bandés, sans dire un mot, grave, mélancolique et pleine de rêveries, elle s’en venait de l’air d’une matrone veuve qui, tout encapuchonnée de noir, soupire après son mari mort le mois d’avant. Celle qui fait délirer les astrologues s’avançait démasquée sur la scène, un bout de linceul autour de la figure ; les étoiles, qui restent ou ne restent pas en place, avec leurs mauvaises ou leurs bonnes compagnes, toutes dorées au feu, de la main de maître Apollon, orfèvre, mettaient le nez à la fenêtre, par une, par deux, par trois, par quatre, par cinquante, par cent, par mille : on aurait dit des roses qui, au lever du jour, s’ouvrent une à une, puis, lorsque l’avocat des poètes darde son rayon, viennent toutes ensemble se faire voir. Moi, je les aurais plutôt comparées à une armée en campagne qui prend ses logis : les soldats s’en viennent par dix, par vingt, puis voici en un instant leur multitude répandue par toutes les maisons. Mais cette comparaison n’aurait peut-être pas plu ; sans rosettes, sans violettes et sans herbettes on ne trouve bon aucun ragoût aujourd’hui. À cette heure, quoi qu’il en soit, la Nanna et l’Antonia, arrivées où elles voulaient arriver et ayant fait ce qu’elles avaient à faire, allèrent se coucher jusqu’au jour.