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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

rappelés à l’assistance, au son du Requiem œternam chanté par plus de mille prêtres, moines et religieux de toutes couleurs il fut déposé dans un magnifique sarcophage peint, dont le peuple entier vint lire l’épitaphe, et sur lequel furent plantées les bannières, déposés l’épée au fourreau de velours rouge, garni d’argent doré, l’écu et le heaume, orné de velours rouge comme le fourreau de l’épée. J’ai oublié de te dire que ses paysans étaient aussi venus ; tous, un bonnet noir sur la tête (on le leur avait fourni), ils se rangèrent autour du corps : parmi eux se trouvait l’homme aux oies, aux chapons, aux œufs et à la bonne aventure. Mais pourquoi perdre tant de paroles ? Elle trouva moyen de sécher ses larmes avec lui, et resta dame et maîtresse, héritière universelle, car le mort, après l’avoir épousée par amour, certain qu’il était de n’avoir ni garçons ni filles, au grand mal au cœur de ses parents, lui avait fait donation complète de ses biens.

Antonia. — Donation bien placée.

Nanna. — Maintenant qu’elle pouvait courir les champs sans avoir peur de personne, laissant son monde à la maison, elle retint près d’elle le successeur du Chevalier, dont la défense d’éléphant la consola si bien que, jetant de côté toute pudeur, elle résolut de le prendre pour mari, avant que ses parents ne l’ennuyassent à vouloir lui en donner un autre. Elle fit courir le bruit qu’elle voulait se mettre dans un couvent pour pouvoir en prendre plus à son aise, et tous les Ordres de Religieuses se la disputaient ; puis, résolue de se donner au vilain, sans plus songer au : Que dira-t-on de moi ? Quel honneur fais-je à ma famille ? ni à ceci, ni à cela, bien persuadée que les convenances sont des gâte-plaisirs, que les retardements sentent le rance, que se repentir c’est une mort anticipée, elle envoya quérir le notaire et se passa sa fantaisie.

Antonia. — Elle pouvait pourtant bien rester veuve et se rassasier du battant de cloche, ni plus ni moins ?

Nanna. — Pourquoi elle n’est pas restée veuve, je te le raconterai une autre fois. La vie des Veuves est telle qu’elle exige un chapitre à elle seule ; je te dirai seulement ceci : elles