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L'HOMME, CET INCONNU

de la science. Il est commode de l'assimiler à une ligne droite dont chaque point successif représente un instant. Depuis l'époque de Galilée, cette notion s’est substituée à celle qui est fournie par l'observation directe de la nature. Les philosophes du moyen âge considéraient le temps comme l'agent qui concrétise les abstractions. Cette conception ressemblait plus à celle de Minkowski qu’à celle de Galilée. Pour eux, comme pour Minkowski, Einstein, et les physiciens modernes, le temps est, dans la nature, complètement inséparable de l'espace. En réduisant les objets à leurs qualités primaires, c'est-à-dire à ce qui se mesure, et est susceptible de traitement mathématique, Galilée les priva de leurs qualités secondaires et de leur durée. Cette simplification arbitraire a rendu possible l'essor de la physique. Mais en même temps elle nous a conduits à une conception trop schématique du monde, et en particulier du monde biologique. Nous devons réintégrer dans le domaine du réel la durée, aussi bien que les qualités secondaires des êtres inanimés et vivants.

Le concept du temps est équivalent à la façon dont nous le mesurons dans les objets de notre monde. Il apparaît alors comme la superposition des aspects différents d’une identité, une sorte de mouvement intrinsèque des choses. La terre tourne autour de son axe, et présente une surface tantôt éclairée, tantôt obscure, sans cependant se modifier. Les montagnes, sous l'influence de la neige, des pluies et, de l'érosion, s'affaissent peu à peu, tout en restant elles-mêmes. Un arbre grandit sans changer son identité. L'individu humain garde sa personnalité dans le flux des processus organiques e mentaux qui constituent sa vie. Chaque être possède un mouvement intérieur, une succession d'états, un rythme, qui lui est propre.