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L'HOMME, CET INCONNU

lions de criminels qui vivent librement dans ce pays, et aussi des faibles d'esprit qui remplissent les institutions spéciales.

La majorité des criminels ne sont pas dans les prisons. Ils appartiennent à une classe supérieure. Chez eux, comme chez les idiots, certaines activités de la conscience sont restées atrophiques. Mais le criminel-né de Lombroso n'existe pas. Il y a seulement des défectifs qui deviennent criminels. En réalité, la plupart des criminels sont des hommes normaux. Quelques-uns même ont une intelligence supérieure. Aussi les sociologistes n’ont-ils pas l’occasion de les rencontrer dans les prisons. Chez les gangsters, chez les financiers dont la presse quotidienne nous rapporte les prouesses, la fonction intellectuelle, et certaines fonctions affectives et esthétiques sont normales, parfois même supérieures. Mais le sens moral ne s’est pas développé. Il existe donc parmi nous une quantité considérable de gens dont quelques-unes seulement des activités fondamentales se manifestent. Cette dysharmonie du monde de la conscience est un des phénomènes les plus caractéristiques de cette époque. Nous avons réussi à assurer la santé organique de la population de la Cité moderne. Mais, malgré les sommes immenses dépensées pour l'éducation, il a été impossible de développer ses activités intellectuelles et morales. Même parmi ceux qui tuent l'élite de cotte population, les manifestations de la conscience manquent souvent d'harmonie et do force. Les fonctions élémentaires sont mal groupées, de mauvaise qualité et de faible intensité. Il arrive aussi qu’une ou plusieurs d’entre elles soient complètement absentes. On peut comparer la conscience de la plupart des gens à un réservoir qui contiendrait de l'eau de