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C’est fort délicat, quand on sait que le chiffre des ambassades est toujours découvert.

— Les ambassadeurs étrangers croyaient à l’envahissement de Paris au début de la guerre. Leurs affiches de sauvegarde étaient prêtes.

— Lucien G…, un de mes cousins, revenant des tranchées, en convalescence à Serbonnes, regarde les numéros récents de l’Illustration, tout pleins d’héroïques gravures. Et lui qui a passé cinq mois dans les tranchées de l’Argonne dit naïvement : « Je ne me figurais pas la guerre comme ça… »

— On me cite ce mot d’un homme qui a les deux pieds coupés : « Comment que je vas faire ? Ma femme qui venait justement de m’envoyer une paire de chaussettes… »

— Bellicole : le photographe qui offre « le portrait de l’être cher tombé glorieusement ». Pour 12 fr. 50 on transforme le portrait civil en portrait militaire.

— Bellicole : le magasin de nouveautés qui excite lyriquement à envoyer aux héros une tenue neuve à endosser pour la victoire.

— On ne sait pas assez gré à ceux qui depuis six mois ont enduré des souffrances sans nom dans les tranchées. Quelle misère, ces cadeaux du jour de l’an, où ils recevaient une bougie pour vingt-cinq hommes ! Ceux pour qui on fait la guerre, ceux qui sont défendus par la muraille d’hommes, vivent grassement. Le contraste est abominable, avec la vie du soldat. L’entr’aide et la « participation » sont courtes.

— Que donnera le peuple des tranchées après la guerre ? Quelle moisson sortira de ce sillon ? Ce peuple aura-t-il l’horreur profonde de la guerre, ou continuera-t-il de se laisser mener ? Reprendra-