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cacatoès. Des officiers simples, des soldats tranquilles. Nous traversons, sans être inquiétés, un parc d’aviation. C’est moins militaire qu’une ville du Midi. Seuls des agents de la sûreté, reconnaissables, et les gendarmes plantés comme des réverbères au coin des trottoirs, troublent cette paix.

Nous n’avons pas entendu le canon. Un de nos amis croit l’entendre. Mais non, c’est une porte qu’on ferme.

— On cite dans les bourgs comme Villers-Cotterets des commerçants qui font fortune : libraires, pharmaciens. Toute une armée y dépense l’argent qu’elle reçoit.

— Parmi les bellicoles, il faut citer les fabricants d’appareils orthopédiques et chirurgicaux. Un pharmacien a inventé des confitures en tubes. C’est un galion.

— Après la Marne, on allait beaucoup visiter le village de Vareddes. L’autorité s’en émut. On réquisitionna les visiteurs comme fossoyeurs, à la tâche. Quand le mort n’était pas assez enseveli, il fallait recommencer. Ceux qui avaient à enfouir des chevaux étaient écrasés sous la besogne. On cite des employés du métropolitain qui, réquisitionnés, ne reparurent pas de trois jours à leur poste. C’était le nécropolitain.

— Tristan Bernard badine. Il me dit : « Je sais par un commissionnaire en marchandises que les Franco-Anglais ont acheté 500.000 kilos de vaseline. Car le passage des Dardanelles est un peu étroit. »

— On sent toujours une âpre volonté de garder l’armée dans un isolement absolu, pour ne pas l’attendrir. La consigne écarte farouchement les épouses et les mères. À Dijon, on a affiché que les automobilistes qui verraient leurs femmes seraient cassés et envoyés aux tranchées.