— Café de la Paix, six heures du soir. Salles bondées. Sous-officiers belges, pipe en bouche, petite femme aux côtés. Un sous-lieutenant français vautré sur une banquette. Beaucoup de très jeunes gens. Sur toutes les faces, une sorte de bestialité comme dévoilée, exhibée.
— Le 11. L’ami Fritz à la Comédie-Française. On y a ajouté Le Mariage de l’ami Fritz, où tous les sociétaires viennent réciter leur petit morceau. Bartet, Pierson, Lambert, Sylvain, Monnet, Segond-Weber. Le succès est à une courte et fine chanson par Georges Berr : « Ah ! le beau dimanche. » La grande tirade sur le Rhin laisse le public froid. Dans une loge adjacente, des soldats convalescents, tout pénétrés de cette triste odeur de blessure qui flotte dans les hôpitaux.
— Doumer, ancien candidat à la Présidence, souvent ministre, aurait dit, après Charleroi, que Joffre devrait être cloué au mur et fusillé. Joffre n’a point oublié. Doumer ayant en l’autorisation d’aller à Nancy pour voir la tombe de son fils tué à l’ennemi, a eu l’imprudence de ne point se borner au secteur de Nancy. Notre Joffre l’a fait reconduire à l’arrière, sans douceur.
— On a souvent reproché à Millerand, avocat de carrière et ministre de la Guerre, d’être l’homme de son entourage. On dit de lui : « C’est l’avocat de ses bureaux. »
— C’est terrible d’entendre Painlevé flétrir les fautes de l’État-Major et des bureaux, cet esprit de « suffisance violente et de conservatisme oppressif ». Il dit que le phénol, nécessaire à la mélinite, était fourni à la Guerre par l’Allemagne. On n’en a plus. Il faut tout créer. « On en fait quinze tonnes où il en faudrait cent quatre-vingts. On dirait que ces