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— L’académicien Boutroux écrit que la question qui se débat est de savoir s’il faut tenir pour réels ou non ces principes de cœur et de raison qui s’appellent justice, droit, équité, fraternité, sympathie, respect et amour de l’humanité. Soit. Mais l’aberrant, le vertigineux, c’est que la question se débatte à coups de boîtes à sardines bourrées de poudre, à coups de « crapouillots » ; c’est qu’on n’ait pas trouvé mieux, pour la défense de ces grands idéals, que de crever des ventres.

— Des réfugiés belges arrivent à Périgueux. On réquisitionne des foies gras truffés pour leur nourriture. Ils goûtent ce mets qu’ils ignorent et se disent les uns aux autres : « Enlève le noir ; c’est du pourri. »

— Certains soldats disent qu’ils peuvent prévoir quand on les fera sortir des tranchées : quand leur chef est sur le point de passer à un grade supérieur. Ils appellent cette crise « l’avancite ».

— Au 9 février 1915, on ne peut pas souhaiter la paix. On crie : « Quelle horreur ! » Cela est incongru, comme l’homonyme du même mot.

— Le 8. Je rencontre chez Mme  Guillaumet l’abbé Wetterlé, ancien député au Reichstag et au Parlement d’Alsace-Lorraine. Il a confiance absolue. Il voit l’Alsace-Lorraine faisant retour pur et simple comme trois départements français. Les Allemands lui apparaissent un cas curieux de folie collective. Dans vingt ans, ils eussent été pacifiquement les maîtres du monde. Il met hors de cause le kaiser, bourgeois aimant à jouer au militaire et rêvant la paix par la force. Les responsables seraient le kronprinz et surtout les pangermanistes intellectuels universitaires.

Il attire l’attention sur les charges qui sont achetées cher en Alsace, comme les pharmacies, et qui