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petits paquets en des attaques qu’on sait inutiles… Et souvent enlisés dans la boue jusqu’au cou, des choses que la parole est impuissante à faire concevoir, qu’il faudrait voir, que les yeux seuls pourraient faire pénétrer jusqu’à l’esprit.

— Chronique judiciaire du 21 janvier (mentalité de guerre). Le soldat I… a appris la mort de son frère et de son gosse. Il a quitté le front pour venir embrasser sa femme. Le père du soldat écrit au conseil de guerre : « Il a trahi sa patrie. Point de pardon. Qu’il meure. » Est-ce que sincèrement cet individu met le salut du pays, le sentiment de l’existence nationale, plus haut que la pitié, plus haut que l’amour, que la tendresse paternelle ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une part d’ostentation, un désir d’étonner la galerie ? Ou alors l’idée de patrie éveille chez ces gens-là une fureur sacrée, un délire religieux, qui ne connaît plus rien, et par où se satisfait ce besoin de fétichisme qui est dans l’homme. Certains mots, certaine musique, certains emblèmes les font entrer en crise, comme le tam-tam fait entrer en hypnose les hystériques.

— Le 21. M. Thomson rencontre, chez Poincaré, Pichon, grand ténor de l’intervention japonaise. Il jette son bras autour de l’épaule de Pichon et le félicite. Poincaré se dit partisan de l’intervention. C’est l’Angleterre qui mettrait des bâtons dans les roues.

— Près de l’hôtel du ministre de la Guerre, que de capitaines à pantalon doré se prélassent, se vautrent, dans des limousines de milliardaires, réquisitionnées ! Sans la guerre, ils eussent ignoré ces joies. Qu’ils sont nombreux, ceux qui, même inconsciemment, se félicitent de la guerre…

— Mon frère, à Saint-Nazaire, rejoint ses enfants