l’insondable bêtise de cette institution : la France n’a pas le droit de savoir ce qu’elle dit aux Berlinois.
— Vision symbolique. Un vieil homme en officier, uniforme merde-d’oie, bonnet de police sur l’oreille, bottes fauves, sabre tricotant les éperons, vingt rubans étranges sur le thorax, et radieux à éclairer le boulevard. Le croisant, un grand pauvre diable sur deux béquilles, veston de coutil, culotte de velours à côtes, une jambe coupée au ras de ventre, lamentable.
— Une fois encore, je touche les raisons qui me retiennent d’admirer comme les autres tout ce qu’exaltent les journaux d’héroïsme, de sacrifice, de courage. C’est que tout cela soit au service de la guerre, de cette barbarie, cette régression ; c’est que ces vertus ne servent pas la cause du progrès, du bonheur, c’est qu’on ne donne pas la cent-millième partie de cette même abnégation à cette même patrie, dans la paix.
— Le 27. La censure laisse enfin paraître le texte de la proclamation aux Berlinois. Claire et forte, elle appelle la guerre « un carnage ». Elle dit que la paix ne viendra que quand le peuple allemand pourra disposer lui-même de la guerre et de la paix, et quand on aura écarté pour toujours le retour de cette tuerie. Ce langage n’est pas celui des poncifs de nos journaux. C’est l’idéal socialiste pur. Il est singulier que le G.Q.G. l’ait autorisé.
Voisin, que j’interroge à ce sujet, téléphone chez Nieuport. On lui dit qu’un texte allemand avait été d’abord rédigé par le dessinateur Hansi, puis que le texte définitif aurait été arrêté par un État-Major subalterne de l’avant.
— Le 27. Nous dînons, Gabriel Voisin et moi, chez Maxim’s. C’est là qu’on est loin de la guerre !