Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout. C’est affreux. Jamais je n’aurais imaginé chose pareille. Je me le rappellerai. Nous avons fait 14 jours comme cela. Je ne vous le cache pas : si le civil voyait ses enfants dans cet état, il demanderait vite la paix. »

— Ai-je noté l’histoire de cette petite actrice qu’un éditeur parisien amena dans la tranchée ? On lui exhibe un prisonnier allemand. Elle lui jette un torrent d’injures à la face, à ce point que l’homme interrompt, avec un ineffable accent faubourien : « Ah ! zut, à la fin, la ferme, j’en ai assez. » C’était un troupier qu’on avait déguisé en prisonnier, pour en faire les honneurs à la demoiselle.

— Dans leurs lettres, les soldats disent les dangers qu’ils courent. Le besoin d’exalter sa bravoure est plus fort que le souci d’épargner de l’inquiétude à sa famille.

— Le 10 mai. Le Matin raconte les débuts de l’affaire de Verdun, tels qu’ils me furent confiés en mars. L’article semble destiné à l’apothéose de Castelnau et découvre Joffre. On s’étonne que la Censure l’ait laissé passer. On imagine qu’il prépare le remplacement de Joffre par Castelnau. Voilà les soucis qui priment tous les autres, en guerre !

— Un sous-lieutenant qui fut aux Dardanelles dit que le général B… offrit 40 sous à un troupier s’il montait sur le parapet de la tranchée. Il monta et fut tué aussitôt.

— Le 7. Je reçois de Suisse une lettre — ouverte par l’autorité militaire — d’un révolutionnaire allemand, Hermann Fernau, auteur d’un libelle « Précisément parce que je suis Allemand » où il met en accusation les Hohenzollern. Il a lu mon roman La Mémoire du Cœur, où est exposée la doctrine déterministe. Il se prétend troublé : si les individus ne